Depuis l’application de la loi Rebsamen et la signature des dernières ordonnances 2017 obligeant l’employeur à organiser des négociations sur le thème de la qualité de vie au travail, le bien-être et la santé sont au cœur des préoccupations stratégiques des entreprises. Mais qu’en est-il de la perception des salariés sur ces sujets ? 57% d’entre eux considèrent que les actions des entreprises en matière de QVT sont insuffisantes. Les chiffres du stress au travail - un français sur quatre souffre d'hyper stress - interrogent l’efficacité des dispositifs QVT déjà en place.
N’est-il pas temps de tenter d’autres approches ? De nouvelles solutions orientées « prévention santé » font leur apparition sur la table des NAO (négociations annuelles obligatoires); plus particulièrement la pratique du sport sur le lieu de travail. En quoi, aujourd’hui, devient-elle une réponse pertinente dans le dialogue social au sein des entreprises ? Démonstration en 5 arguments.
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[Argument #1] Pour une prévention santé plus positive et individuelle
Saviez-vous qu’en France, l’obligation pour l’employeur de veiller à la santé des salariés est inscrite dans le Code du travail ? C’est aussi une forte attente des jeunes générations : 92 % estiment que l’entreprise doit assurer le bien-être des salariés. Le récent rapport Lecocq pose les bases d’une nouvelle approche de la QVT plus axée sur la prévention des risques professionnels et de la santé. Des actions de prévention existent déjà puisque, selon une étude de Qualisocial, dans 87 % des accords signés « La prévention de la santé au travail » est citée. Les formats ? Formations, baromètre, ligne d’écoute, observatoire de la santé au travail… Mais leurs résultats mitigés soulignent la nécessité de réinventer les dispositifs : aujourd’hui 15 % de la population active présenterait toujours un risque élevé de burn-out.
Et si on optait pour une démarche plus positive, individuelle et engageante ? Le sport, s’il ne révolutionne pas la prévention santé en elle-même, complète et pérennise les actions existantes : il permet d’installer de nouvelles habitudes individuelles. Les salariés changent petit à petit le rapport à leur santé mentale et physique. À condition de leur proposer un cadre motivant afin de créer une dynamique collective et durable (abonnements, coachs sportifs, matériels…).
[Argument #2] Pour une réponse efficace aux chiffres de la santé au travail
Les chiffres sur les maladies professionnelles exigent un « état d’urgence » en faveur de la santé au travail : la France est au 3e rang mondial des pays avec le plus grand nombre de dépressions liées au travail. Les troubles musculo-squelettiques ont été multipliés par dix en vingt ans et représentent 80% des maladies professionnelles. Quant à la sédentarité, elle est responsable de 5,3 millions de décès par an dans le monde.
La pratique d’activités physiques a démontré son efficacité en termes d’amélioration de la santé et du bien-être. Trois indicateurs parlants :
- 30 minutes d’activité physique par jour permet de réduire de 30% le risque d’accidents cardio-vasculaires
- Si un employé pratique une activité sportive régulière, l’entreprise économise 6 à 9% sur les frais de santé annuels de cette personne
- Les entreprises faisant la promotion et incitant à la pratique sportive ont observé une baisse du taux d’absentéisme pouvant atteindre jusqu’à 40%
Un panel d’activités sportives peut adresser les problématiques à couvrir au sein des accords QVT (déconnexion, équilibre de vies, santé, stress…) :
- Échauffements musculaires sur le lieu de travail pour réduire les TMS
- Relaxation, sophrologie ou méditation pour favoriser la déconnexion et l’équilibre des vies. À noter que ces deux sujets ont été majoritairement abordés dans les accords QVT signés dès 2015 suite à la loi Rebsamen (enquête qualisocial : 93 %)
- Exercices de cardio pour lutter contre la sédentarité et travailler le coeur
- Yoga et stretching pour limiter les problèmes de dos et veiller à la gestion du stress
L’enjeu majeur des négociations annuelles est essentiellement de répondre aux problématiques de santé détectées en interne (enquêtes, recueils du médecin…) et de proposer les réponses adaptées à la culture d’entreprise.
[Argument # 3] Pour anticiper l’allongement de la durée de vie et les futurs seniors
La part des personnes de 60 ans et plus dans la société française a augmenté. Cette tendance démographique est au coeur de deux problématiques impactant le travail : la nécessité d’allonger la durée de la vie active et son corollaire, le recul de l’âge de départ à la retraite afin de maintenir le modèle par répartition.
Pour gérer les impacts de cette transformation de la population active, les employeurs doivent faciliter la continuité de l’activité professionnelle des seniors en leur offrant des conditions de travail adéquates. Or selon, 61% des seniors se déclarent délaissés par leur employeur. Ce sujet prioritaire doit être abordé au sein des accords QVT pour poser le cadre du travail de demain. L’objectif des négociations est d’identifier les solutions en phase avec leurs attentes : les 50 ans et plus demandent une adaptation de leurs conditions de travail afin de rendre compatible leur activité quotidienne avec les contraintes liées à leur âge.
Certaines entreprises ont mis en place des programmes « sport santé » dédiés aux seniors : un dispositif bien-être sur-mesure avec un accès en salle de remise en forme, le suivi d’un médecin du travail, la venue de coachs sportifs et nutrition… Sans oublier que le sport est aussi un levier de cohésion sociale transgénérationnelle alors que l’entreprise gère aujourd’hui quatre générations sous un même toit.
[Argument # 4] Le garant de la cohésion sociale en pleine révolution du travail
53% des accords QVT abordent le sujet des relations au travail. On y trouve des espaces et des temps d’échange, des outils collaboratifs ou encore des processus de médiation. Avec la généralisation du télétravail, du flex office/flex time ou encore du mode projet, la question de la cohésion des équipes devient critique pour éviter le décrochage de certains salariés : pour 44 % des salariés interrogés par Ipsos , « le télétravail peut limiter les relations entre collègues » et, ainsi, favoriser l’isolement. Par ailleurs, 56 %⁵ des jeunes actifs de la génération Z estiment que les relations avec les collègues et les interactions sociales sont les éléments clés de leur motivation à venir travailler.
Garantir le lien et fédérer les équipes au sein d’organisations toujours plus complexes relève d’un défi social d’envergure pour les RH ! Et pour maintenir ce « travailler ensemble » et un climat général positif, il faut institutionnaliser les moments de convivialité dans le cadre des accords QVT. Pourront être proposées : des actions telles que des rencontres sportives, team buildings, défis sportifs autour d’une cause solidaire, tournois internes…
[Argument # 5] Pour accélérer l’innovation managériale et organisationnelle
Quand on aborde la question de la qualité de vie au travail, les thèmes de l’organisation et du management sont essentiels. Or, ces points ne sont traités que dans, respectivement, 40% et 33% des accords d’entreprise. D’après le rapport Gollac du Ministère du Travail sur les risques psychosociaux, le manque d’autonomie, les procédures rigides ou encore le micro-management sont les causes principales du mal-être salarial. Les entreprises ont donc engagé des changements en profondeur de leurs modèles en se tournant vers de nouvelles organisations et de l’innovation managériale. Mais la bascule du « command and control » vers le collaboratif ou plus d’agilité n’est pas si simple pour les équipes.
Pour faciliter la bascule culturelle lors de périodes de transformations majeures, le sport s’avère être un vecteur pertinent. En effet, si l’on regarde les six principes de l’innovation managériale, on observe une convergence avec ceux du sport collectif :
- Confiance et transparence
- Engagement et responsabilié
- Plaisir et bien être
- Cohésion et collaboration
- Agilité et liberté
- Créativité et innovation
En instituant le sport sur le lieu de travail, managers et collaborateurs développent, par le jeu, ces nouvelles compétences. Les équipes s’extraient des processus, expérimentent la coopération et renforcent leur capacité d’écoute…. Pourquoi ne pas faire venir un coach sportif, des experts externes ou d’anciens sportifs de haut niveau pour donner un cadre à cette démarche QVT ? Pour la piloter et en faire un outil social impactant, il faut en faire un axe stratégique des accords annuels.
Pour finir, un peu de benchmark : le Québec a lancé une initiative appelée « Entreprises en santé » qui permet d’établir une feuille de route pluriannuelle sur le mieux-être au travail. Une trame intéressante pour piloter les actions QVT signées au sein des négociations annuelles ?
[Annexe] Historique de la QVT dans le paysage législatif actuel et futur
- ANI (Accord National Interprofessionnel), avec les ANI incitatifs sur le stress au travail (du 2 juillet 2008, étendu par arrêté du 6 mai 2009) puis sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010 (étendu).
- Non obligatoire
- ANI du 19 juin 2013 : Les partenaires sociaux ont appelé les entreprises à mettre en place une démarche transversale, systémique et stratégique, portant sur 10 thématiques centrales.
- Non obligatoire
- La loi Rebsamen intègre au code du travail la notion de Qualité de Vie au Travai et a modifié le nombre, la périodicité et le contenu des négociations obligatoires en créant 3 blocs distincts :
- Négociation annuelle obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la QVT
- Négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise
- Négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels dans les entreprises et groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés.
* \\\\_Obligatoire. Adaptation possible des règles de négociation par voie d’accord pour adapter le nombre de négociations, prévoir un regroupement différent des thèmes et modifier la périodicité de la négociation.\\\\_
- Les ordonnances du 22 septembre 2017 : dans toutes les entreprises ayant une représentation syndicale, l’obligation incombe à l’employeur d’organiser au minimum une fois tous les quatre ans une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail (Article L2242-1).
- Obligatoire a minima tous les 4 ans pour les entreprises de plus de 50 salariés. À défaut d’accord sur cette négociation, chaque année.
- 3e plan santé au travail (PST3) : il se traduit par une ambition partagée entre l’État, les partenaires sociaux, la Sécurité sociale et les grands organismes de prévention, de constituer un socle commun pour la promotion de la santé au travail. Les enjeux ? La prévention de risques prioritaires récurrents ou émergents, l’anticipation du vieillissement de la population active.
- Non obligatoire
- 66 propositions du « Pacte pour le pouvoir de vivre » présentées par Nicolas Hulot et le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, dix-neuf organisations, ONG et syndicats pour « faire face à l’urgence sociale et économique ». Une des propositions est de généraliser les accords de qualité de vie au travail dans les entreprises et administrations.
- À inventer
- Réforme de la santé au travail suite au rapport Lecocq. L’objectif est d’accompagner l’ensemble des entreprises pour qu’émerge une culture de prévention, protéger la santé de tous les travailleurs et favoriser le maintien de l’emploi.
Autres thèmes traités : l’organisation du système de santé au travail, la simplification de la réglementation, la prévention, l’accompagnement des publics vulnérables, limiter le nombre et la durée des arrêts de travail, l’articulation entre vie professionnelle et vie privée, la qualité de vie au travail.
- À définir : discussion en cours entre les partenaires sociaux, le Ministère du travail et de la santé
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SOURCES :
- Loi sur le dialogue social et l’emploi de août 2015 donnant de nouveaux outils pour améliorer le dialogue social
- Article L2242-1
- Baromètre Edenred Ipsos 2016
- LCI - Cabinet Stimulus, enquête national sur le stress au travail, 2017
- Enquête Mazars sur les attentes de la génération Z, 2019 : “FUTURE OF WORK : quelles attentes de la Gen Z pour l’entreprise de demain ?”
- « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée »
- Étude de Qualisocial sur 15 accords de grandes entreprises : Les accords étudiés sont ceux de Norauto, Safran, Pôle Emploi, Areva, Crédit Agricole, La Caisse Nationale des Dépôts, EDF, la Poste, la MAIF, Thales, Manpower, la Société Générale, Saint Maclou, Air France et la Fédération Française des Assurances
- Selon une étude du cabinet Technologia, agréée par la rue de Grenelle
- Chiffres de l’OMS
- Selon une étude publiée dans la revue The Lancet, réalisée par des chercheurs de la Harvard Medical School à Boston, 2013.
- Fédération Française de Cardiologie
- Cabinet Goodwill management pour le CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français) et le MEDEF, 2015
- Étude britannique reprise par Sport carrière dans l'article « Le sport pour stimuler la performance en entreprise », 13 septembre 2018
- Baromètre 2015 d’Edenred consacré au bien-être et à la motivation des salariés seniors européens et infographie
- SPReW - Approche générationnelle des modèles sociaux de rapport au travail